Stage préférences motrices pour les cavaliers
Si vous avez déjà pris cours avec plusieurs enseignants, vous avez sûrement été surpris de voir combien les consignes sur la position à cheval pouvait différer d’un moniteur à l’autre. Lequel à la bonne façon de faire? Qui écouter? Dans cet article, je vous délivre ce que j’ai compris sur ce point pendant ce stage.
Nous étions une dizaine de professionnelles à être rassemblées pour l’évènement : saddle-fitter, ostéopathes équin et humain, enseignantes d’équitation, bit-fitter, podologue humain, toutes passionnées par les enjeux de la posture et du fonctionnement du cavalier en corrélation avec celle du cheval.
La vocation de ce stage était de nous sensibiliser aux préférences motrices du cavalier, pour pouvoir mieux accompagner nos élèves/patients, et de toucher du doigt au passage nos propres fonctionnement.
Les préférences motrices, qu’est-ce que c’est ?
Des recherches effectuées en collaboration avec des sportifs ont révélé que les individus n’avaient spontanément pas la même façon de se mouvoir, et qu’aller à l’encontre des préférences motrices d’un sportif pouvait être dans le meilleur des cas contre-productif, et dans le pire des cas le conduire à la blessure.
Par exemple, regardez attentivement Roger Yves Bost et Pénélope Leprévost, ils n’ont pas du tout la même position : l’une à la position académique, l’autre pas, l’une regarde vers le haut, l’autre vers le bas, l’une tient ses rênes avec tous ses doigts, l’autre n’utilise pas le petit doigt, l’un à le bas de jambes qui remonte, l’autre les pieds bien sous les fesses… Et pourtant en compétition, ces deux cavaliers gagnent et expriment leur meilleur potentiel !
Les préférences motrices déterminent la manière dont s’organise et se coordonne un individu pour réaliser un mouvement. Elles sont innées, impactent directement sa posture et sa locomotion.
Par exemple, certaines personnes vont marcher par les épaules, d’autres par le bassin.
Certains vont avoir une vision haute plus développée, d’autres une vision basse.
Certains font être plus à l’aise dans les rotations articulaires vers l’extérieur, d’autres vers l’intérieur, etc…
Notre fonctionnement naturel peut-être modifié par l’apprentissage, mais nos préférences motrices réapparaissent de manière automatique en cas de stress.
Des tests avec et sans les chevaux
Pour monter ma jument Lilith que j’ai amené au stage, j’ai dû apprendre à fonctionner d’une manière qui ne m’était pas naturelle, car elle réagit au moindre déséquilibre. C’était donc la candidate parfaite pour creuser ce sujet!
Elise*, notre super formatrice, nous a observé en selle et nous a proposé de changer des petits détails : notre manière de tenir les rênes, de chausser les étriers ou de porter notre regard par exemple.
Certains tests m’ont permis de gagner en liant et en stabilité, d’autres au contraire m’ont mis dans l’inconfort. A ce stade difficile de savoir ce qui est de l’inné et de l’acquis. Par exemple, quand Lilith chauffe et que je doit être très stable et encadrante, je suis plus à l’aise de tenir mes rênes avec tous mes doigts, coudes au corps, mais laisser mes petits doigts libres me donne plus de liant et de souplesse.
L’après-midi et le matin suivant sont consacrés au testing, sans chevaux cette
fois-ci.
En binômes, nous allons apprendre à nous tester : sommes-nous supinatrices ou pronatrices? C’est à dire sommes nous plus performantes en ouverture des articulations vers l’extérieur, ou vers l’intérieur? Le test peut annoncer un résultat différent pour le haut et le bas du corps!
Nous servons nous plutôt des 3 premiers doigts de la main ou des trois derniers? Sommes nous plus stables sur la partie externe ou interne des pieds? Avons nous plus de force sur l’inspiration ou sur l’expiration?
Une des participantes croyait être plus à l’aise en pronation, c’est à dire en “fermeture”, et a constaté avec surprise que cette posture fermée qu’elle prenait venait d’un réflexe qui fait craindre de tomber en arrière, le réflexe de Moro. Comme elle a travaillé pour intégrer ce réflexe, elle s’est aperçue durant ces deux jours que ses préférences réelles étaient probablement en supination, c’est à dire en ouverture!
Nous sommes plusieurs à avoir eu des résultats opposés sur un même test l’après midi ou le lendemain matin. En effet, lors d’une phase de repos (et donc en situation de fatigue), nous allons normalement adopter un fonctionnement antagoniste à nos préférences!
Et cela permet à notre corps de mieux se régénérer. Une personne qui ne bascule pas dans son système opposé se repose moins bien. Étonnant mais logique, non?
Enfin, retour à cheval le dernier après-midi. Lilith est super, et je vais pouvoir vraiment profiter des tests. Nous allons notamment nous priver de notre oeil moteur, et constater les effets sur notre coordination : nous basculons automatiquement à l’inverse de nos préférences.
J’ai pu constater qu’en me privant de mon oeil moteur, je suis amenée à bien plus tourner mes épaules du côté où c’est difficile pour moi de le faire, et les incurvations de Lilith sont bien meilleures!
Ce que je retiens de ce stage
Ma plus grande clé de compréhension de ce stage, c’est la réponse à pourquoi certains moniteurs enseignent une façon de faire et d’autres l’inverse : probablement car ils ont des préférences motrices opposées. A moi donc de sentir ce qui me convient le mieux et surtout ce qui convient le mieux au cheval que je suis entrain de monter.
En effet, pour monter des chevaux différents, il est indispensable de faire croître sa capacité d’adaptation et donc sa capacité à sortir de sa zone de confort, au moins à l’entrainement.
Dans mon enseignement j’en retire de nouveaux observables concrets et une meilleure compréhension des schémas locomoteurs du cavalier, et une vision plus ouverte sur le travail postural.
Il ne s’agit pas d’être laxiste, mais si un cavalier fonctionne avec son cheval et que les deux y trouvent leur compte, faire bouger leur fonctionnement pour les faire entrer dans une position académique peut-être contre productif.
Vers une plus grande ouverture d’esprit
Finalement je suis ravie de l’expérience. Pour moi ça ne remet en aucun cas en question le fait de chercher à s’améliorer, et à être le plus efficaces et le moins invasifs possibles avec nos chevaux.
Le sujet est toutefois bien dense et complexe, et ces deux jours ne sont qu’un aperçu, il faudrait approfondir bien plus pour devenir compétente en la matière!
La porte est ouverte pour expérimenter avec les élèves, et pour un approfondissement sur un prochain stage!
Merci à Caroline Dollé pour l’organisation au top, à Elise Lambert pour sa pédagogie et sa bonne humeur, et à Lucie Barbot pour son accueil chaleureux!
* Elise Lambert, Optimo Riding. Pour la retrouver : https://optimoriding.fr/