La muserolle, amie ou ennemie du bien-être du cheval ?


L’utilisation de la muserolle ne fait pas consensus chez les cavaliers. Chez les uns, son absence est un gage d’éthique, pour d’autres elle est un moyen d’obtenir plus de contrôle, en contraignant le cheval à fermer la bouche. Dans les formations de bitfitting, il est enseigné que la muserolle est un élément apportant confort et stabilité au cheval, sous certaines conditions.
Comment peux-tu t’y retrouver, toi, cavalier qui souhaite le meilleur pour ton cheval ?
Rôles de la muserolle
En effet un jeune cheval en cours d’éducation, n’ayant pas encore compris et accepté le contact, peut essayer de s’y soustraire en ouvrant la bouche, voir en essayant de passer la langue par dessus le mors. La muserolle a alors un rôle éducatif, en complément d’un travail raisonné et progressif.
Cependant la muserolle n’est pas réservée aux jeunes chevaux. On la retrouve dans toutes les équitations qui se pratiquent avec une tension dans les rênes alors qu’elle disparaît fréquemment en endurance, en randonnée, ou encore en équitation western.
Les raisons évoquées pour son utilisation sont une plus grande efficacité dans l’usage de la main, en empêchant le cheval de se soustraire à son action par une ouverture excessive de la bouche.
En stabilisant le mors dans la bouche, elle offre une sécurité pour le cavalier et sa monture dans les disciplines nécessitant de fortes variations d’équilibre, et impliquant de la vitesse.
Enfin, correctement réglée et choisie, elle peut apporter un confort supplémentaire au cheval en répartissant les pressions sur l’ensemble de sa tête.
Les différents types de muserolle


La muserolle française est la plus connue et la plus utilisée. C’est également la muserolle la moins restrictive. Elle se place haut sur le nez du cheval (1 à 2 doigts sous les apophyses, suivant la longueur de la tête et le type d’embouchure utilisée).
La muserolle allemande était beaucoup utilisée de son invention au 19e siècle jusque dans les années 80, elle se positionne bas sur l’os nasal, devant le mors. Positionnée très près des naseaux, elle peut gêner les voies respiratoire si elle est trop serrée.
La muserolle mexicaine, ou muserolle croisée, était très à la mode dans les années 90/2000. On en voit moins aujourd’hui. Elle est assez délicate à ajuster correctement car elle passe sur les apophyses zygomatiques. Elle est utile chez les chevaux qui décalent la mandibule pour se soustraire à la main,
La muserolle combinée ou muserolle irlandaise, est une muserolle française avec une languette dans laquelle passe une lanière de cuir qui vient fermer la bouche. Utilisée tout d’abord dans le milieu du CSO, on la trouve aujourd’hui beaucoup en dressage où elle a quasiment remplacé la muserolle allemande .
Plus récente, la double muserolle a commencé à fleurir il y a quelques années sur les terrains de concours. Elle combine les effets de la muserolle française et de la muserolle allemande, mais son réglage nécessite une grande prudence, la partie au dessus des naseaux ne pouvant se régler indépendamment de la muserolle française, elle peut venir comprimer les voies respiratoires. Elle est actuellement interdite sur les terrains de CSO.
Comment la muserolle peut-elle être un gage de confort pour le cheval ?


La muserolle peut apporter du confort au cheval sous plusieurs conditions.
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être adaptée à la forme de la tête du cheval
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être correctement ajustée, le cheval doit pouvoir mâchouiller, manger une friandise et bien sûr respirer correctement.
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Être directement reliée à la têtière.
Avant la muserolle était une pièce du filet complètement indépendante. Elle se glissait dans le frontal, passait sous la têtière, et pouvait s’enlever complètement.
Ce montage a l’inconvénient de placer une épaisseur supplémentaire sous la têtière qui peut venir comprimer la nuque.
Aujourd’hui on trouve des muserolles avec une boucle sur chaque montant, qui s’attache de chaque côté de la têtière, ou bien des têtière avec deux encoches pour faire passer la muserolle au dessus de la nuque (c’est le cas des filets Döbert par exemple).
Les bridons et brides récents sont quasiment tous conçus comme cela aujourd’hui, au grand dam de ceux qui ne veulent pas de muserolle, et dont les chevaux vont devoir subir le petit montant qui claquette près de leurs yeux.
Donc en étant reliée directement à la têtière, la muserolle va pouvoir amortir une partie des pressions dirigée sur la nuque du cheval. Cette pression va dépendre du type de mors utilisée (un mors à levier mettra plus de pression qu’un chantilly, qui mettra lui même plus de pression qu’un Baucher*), par le niveau de dressage du cheval et son degré d’acceptation des aides, et également de la monte du cavalier.
Une action de main exercée main basse aura plus d’impact sur la nuque qu’une action sur des main hautes agissant d’avantage sur les commissures, et enlevant de la pression sur la nuque.
Enfin, les matériaux utilisés ont leur importance. Il est évident qu’une muserolle en corde ne sera pas un gage de confort pour le cheval. Plus la muserolle est large plus la surface permettant de répartir les pressions est grande, cependant en augmentant la largeur et le « moelleux » on gagne en confort mais on perd en précision dans la communication.
En bitfitting je travaille exclusivement avec des muserolles françaises, pour la plupart de type pull back (ou muserolle suédoise). Ce design à la mode à l’avantage de dissocier la partie haute et basse de la muserolle, ce qui permet d’individualiser la taille pour des chevaux qui ne rentrent pas dans du prêt-à-porter.
Elles sont très confortables avec leur padding sur le dessus du nez et le coussin pour l’auge dessous. Malheureusement elles permettent aussi de faire levier pour les serrer au delà du raisonnable. On peut d’ailleurs s’interroger sur la justification de rembourrer autant une partie de la bride qui n’a pas pour vocation d’être serrée…
Stabiliser le mors dans la bouche
Toutefois d’autres éléments peuvent jouer ce rôle : des anneaux fixes (aiguille, verdun, fülmer…), ou/et la présence d’une sous-auge à la place d’une sous gorge.
En équitation western on utilise une alliance reliant les deux anneaux du snaffle pour remplir ce rôle.
A ceux qui sont tentés de tout enlever sur leur filet comme je le vois parfois, sachez que chaque pièce à un rôle à jouer pour apporter de la stabilité et si il est parfois possible de se passer de frontal (attention pas sur toutes les morphologies) ou de muserolle, se passer des deux n’est pas forcément dans l’intérêt du cheval.
Si votre cheval est gêné dans son matériel il vaut mieux changer de filet ou changer les pièces inadaptées (de plus en plus de marque vendent des pièces détachées), ou mieux : faire appel à un bitfitter.
Pour un cheval bien éduqué, un cavalier avec une main experte et une équitation qui va peu interagir avec la bouche du cheval, la muserolle est dispensable. Il conviendra alors de choisir un bridon qui comportant une sous auge ou un autre élément pour garantir le confort du cheval.
Les abus
En compétition de dressage, les cavaliers sont pénalisés si les chevaux ouvrent la bouche. Il peut-être tentant de serrer la muserolle pour masquer le problème mais sans régler la cause en profondeur, le problème persistera.
Une muserolle trop serrée viendra aussi comprimer les réseaux nerveux passant sous la muserolle, qu’elle soit placée haute, basse ou les deux à la fois.
Enfin, elle peut comprimer les voies respiratoires et nuire à la bonne oxygénation de l’organisme.
Ces abus existent, c’est une réalité, mais faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain ?
Pour certains, une muserolle adaptée et correctement ajustée sera une aide et un ajout de confort, pour d’autres l’enlever ne fera aucune différence .
A mon sens la muserolle ne devrait-être utilisée que pour améliorer le confort du cheval ou comme un enrênement : ponctuellement, pour aider le cheval à trouver la solution. Mais peu de cavaliers utilisent correctement les enrênements.
* D’après une étude réalisée par la marque Neue Schule qui révélait que les anneaux Baucher exerçaient une pression négative sur la nuque, contrairement à ce qu’on pouvait penser.