Dialogue équestre : de l’intention claire à l’action juste.
Bien des conflits entre le cheval et l’humain naissent de l’incompréhension mutuelle. Être clair dans ses intentions permet de transmettre un message cohérent.
Identifier ses besoins et communiquer vers l’autre d’une manière qui favorise l’acceptation du message, avant d’en écouter la réponse, sont les bases d’une communication positive et harmonieuse.
Poser un cadre bienveillant
Dans une relation, celui qui n’exprime pas ses besoins laisse à l’autre le choix de disposer comme il lui convient. Si l’intention de laisser à l’autre la liberté de choisir peut sembler louable, elle n’est pas forcément gage de confort pour le cheval, qui attend de nous un positionnement clair qui amènera l’état de sécurité favorable à la coopération.
Le cavalier qui livre son cheval à lui même dans des situations apparemment sans enjeu, en main, pendant la préparation, au montoir ou à la détente, risque de se cogner à un mur d’incompréhension, voir de frustration, lorsqu’une situation plus complexe ou plus anxiogène surviendra et qu’il voudra reprendre le contrôle. Ainsi, si vous voulez que votre cheval reste calme et tienne tranquillement l’arrêt avant de traverser une route passante, qu’il reste dans vos aides pendant un parcours d’obstacle ou qu’il exécute avec précision des figures de dressage, c’est dés la mise du licol que vous allez devoir trouver votre place et poser vos limites.
Pour que ce processus favorise le dialogue et la coopération, cela suppose une réelle attention au moment présent et une intention juste, animée par l’amour et non par la peur.
Les aides, canal de la communication
L’idée n’est pas d’enfermer le cheval dans un cadre constamment clos, sous peine de provoquer des réactions de fuite active ou passive (inhibition).
Il s’agit de concevoir l’espace de manière à ouvrir les barrières là ou on veut que le cheval aille, et fermer les autres. Être en réception sensorielle, à l’écoute des mouvements du cheval, permettant ainsi de poser la bonne aide au bon moment, et la rendre silencieuse dés que le cheval y a répondu, le laissant vivre et organiser son mouvement de manière autonome, jusqu’à la prochaine proposition.
L’espace de ce cadre dépendra du degré de dressage du cheval. Pour un jeune cheval, le couloir des aides sera bien plus large que pour un cheval avancé, pour qui il viendra tenir entre les têtes de fémur du cavalier, l’expression des aides devenant invisible de l’extérieur.
Pour arriver un jour à ce sentiment du cheval en équilibre et qui s’y maintient sans effet de force, j’invite chacun à se responsabiliser sur la clarté des messages qu’il va envoyer à son cheval, et la qualité de l’écoute qu’il en aura en retour.
Nous partons du principe que le cheval ne sait pas ce qu’on attend de lui, et qu’avant d’adopter la bonne solution, généralement la moins facile, en phase d’apprentissage et de construction, il va d’abord chercher à expérimenter toutes les autres.
Il est important que le cavalier décompose au maximum les étapes de la progression, en s’assurant que chacune est comprise et acceptée par le cheval, et n’hésite pas à rebrousser chemin si ce n’est pas le cas.
Savoir ce que l’on veut
Des séquences fractionnées, en sachant précisément ce que l’on veut obtenir, donnent une trame qui favorisera la progression d’avantage que des kilomètres effectués sans conscience, qui fatigueront et lasseront le cheval.
Se poser la question de ce que l’on veut, en terme de tracé, d’organisation dans l’espace, d’allure et de vitesse va permettre au cavalier d’une part de préparer au mieux sa demande, d’autre part de la formuler au cheval de façon claire et cohérente, et enfin de percevoir de façon mesurable le degré et la qualité de la réponse du cheval.
Pour illustrer mes propos, avant de faire un cercle au trot je vais m’interroger sur la vitesse, le rythme, et le tracé précis que je veux obtenir. Cela va me permettre, dans l’action, d’être en réception sensorielle pour sentir, voir et entendre l’allure qui se dégrade, le rythme qui accélère ou ralentit, la trajectoire qui se déforme par déséquilibre latéral sur une épaule ou sur une autre, la perte de rectitude. A partir du moment où je ressens ce qui se dégrade, je vais pouvoir poser la bonne aide au bon moment et la rendre silencieuse lorsque le cheval y répond positivement.
Dans le cœur de l’action le flot d’information pouvant émaner du cheval, “bouquet de sensations”, de l’environnement ou de l’intérieur sous formes de pensées et de jugements sont autant de risques de se décentrer et s’éloigner de nos objectifs et notre attitude réceptive. Avoir pris le temps de clarifier ce que l’on veut aide à conserver un fil conducteur à la séquence et constitue la première étape de sa préparation.
La préparation précède l’action
Avoir une idée précise de ce que vous voulez va vous permettre de visualiser positivement l’action à venir. En fonction de vos facilités sensorielles, imaginez-vous entrain de réaliser cette action de la meilleure façon possible, faites résonner en vous le rythme régulier et énergiques des sabots sur le sol, remémorez vous les sensations du rebond de votre cheval.
Ce temps de préparation mentale est une aide précieuse pour pouvoir le cas échéant proposer une activité au cheval en communiquant de façon claire, c’est à dire en alignant sur votre intention une posture juste et une énergie cohérente.
C’est également le bon moment pour envisager la meilleure façon d’entrer dans le mouvement à venir. La forme d’un mouvement de qualité est contenue dans la façon d’entrer dans ce mouvement.
La pratique du yoga m’a permis d’aller plus loin dans la conception de ce principe. J’y ai appris corporellement que je pouvais exécuter des postures dont je me croyais incapable, en me préparant par des postures adaptées et en y entrant de la manière qui convient, qui n’est pas toujours celle à laquelle j’aurais pensé au premier abord.
Faire sauter les croyances limitantes selon lesquelles je me crois capable ou pas est aussi un levier impressionnant de progression et c’est un sujet qui mériterait un article à lui tout seul.
Pour revenir aux chevaux, on n’entre pas dans le mouvement de la même façon selon que l’on cherche à exécuter une épaule en dedans, un arrêt sur la ligne du milieu ou à aller sauter un obstacle d’1m20.
Les fondamentaux communs sont bien sûr la décontraction, l’impulsion en terme d’énergie disponible, celle dont on a besoin pour aller sauter un obstacle d’1m20, l’équilibre et la rectitude. Mais le rythme de l’allure, sa vitesse, son amplitude, le tracé, ligne droite ou courbe plus ou moins large, l’attitude, en lien direct avec l’équilibre, le degré d’incurvation ou de pli, sont autant de paramètre à adapter en fonction de ce que l’on veut obtenir.
Pour finir, la préparation c’est aussi cet instant précieux ou le cavalier conscient va prendre le temps de poser sa respiration et son mental, s’ancrer, se centrer, afin d’être parfaitement disponible et présent à lui-même, à l’environnement et à ce fabuleux médiateur entre lui et l’extérieur qu’est son cheval.
Enfin, la sortie d’un mouvement étant aussi importante que son entrée, qu’elle soit suivie d’une pause pour analyser et préparer la suite, ou qu’elle soit le préalable du mouvement suivant, elle devra être soignée avec autant d’attention que nécessaire.
Conclusion
Etre suffisamment présent et à l’écoute pour entendre l’autre et savoir revenir à une exigence moindre si nécessaire, transforme le monologue du cavalier en dialogue constructif permettant au couple d’évoluer.
“Poser ses limites, c’est se respecter, et permettre à l’autre de faire de-même”. Soyez indulgent, voyez vos erreurs comme autant d’occasions d’apprendre, et exprimez votre gratitude à votre cheval et à vous-même pour chaque petit progrès.
Commentaires
Bonsoir
Merci pour ces écrits cohérents et bien pensés. Il fait continuer
Amicalement
Alexandrine