La mise en main, une idée fixe ?


Les notions de « placer » du cheval, de mise sur la main et de mise en main reviennent de façon récurrente sur les forums équestres et autres discussions sur les réseaux sociaux.
Nombreux sont les cavaliers pour qui ces notions sont mal comprises, qui cherchent des astuces ou du matériel – enrênements, mors, division des appuis ou le fameux « droite-gauche » – pour fermer artificiellement l’avant main de leur cheval.
Cette focalisation sur le bout de devant est vecteur de dérives dont les chevaux sont les seules victimes.
Définition des attitudes de travail.


Mise sur la main : La mise sur la main est une étape dans laquelle le cheval, grâce à un travail gymnastique adapté, vient se stabiliser dans un équilibre horizontal. Il vient tendre ses deux rênes par la poussée symétrique des deux postérieurs.
« La mise sur la main sera le résultat des incurvations combinées à un mouvement en avant ni trop fort, ni trop lent ; l’extension de l’encolure vers le bas et vers l’avant, d’une part, et le début d’engagement des postérieurs d’autre part, provoquent mécaniquement la mise en convexité supérieure du dos » Luc Pirick.
Mise en main : Visuellement un cheval en main est harmonieux à regarder.
Son équilibre commence à passer vers l’arrière, ses postérieurs viennent se fléchir et les hanches commencent à s’abaisser, le rein vient se vousser, le dos s’étire, le thorax se remonte, la ligne du dessous se raccourcit et l’encolure s’arrondit sans cassure jusqu’à la nuque, point le plus haut, celle ci venant s’avancer au dessus de la bouche du cheval, le chanfrein légèrement en avant de la verticale.
La hauteur du garrot et de l’encolure dépend directement du degré d’abaissement des hanches et d’articulation des postérieurs. Ils dépendent du degré de dressage du cheval, mais aussi de sa morphologie.
De même, un cheval avec une encolure courte et des ganaches volumineuses aura du mal à mettre son chanfrein à la verticale, on aura donc pas le même rendu, à degré de dressage égal, sur un haflinger ou un KWPN.
Pour le cavalier, le cheval se fait plus confortable, son dos devenu porteur, mais aussi plus « bondissant ». Il propose un contact léger à la main, sa bouche est décontractée et prête à suivre la main du cavalier dans toutes ses suggestions. Le cavalier doit avoir la sensation que le cheval peut à la moindre demande changer d’allure ou de direction à la moindre sollicitation.
Ce qu’il faut retenir de ces définitions, c’est que la position de la tête et de l’encolure sont une conséquence et non une cause, de l’impulsion et de la fermeture progressive du cheval par l’arrière, engendrée par une gymnastique favorisant et la poussée des postérieurs, et la flexion du rein.
Il est important de comprendre la définition d’impulsion comme qualité morale du cheval à se porter en avant à la moindre sollicitation du cavalier, et non à se précipiter en avant au détriment de l’équilibre.
Par ailleurs, ce n’est en aucun cas la main du cavalier qui va venir fermer l’angle tête encolure, au risque de voir s’effondrer la nuque et le garrot comme on le voit si souvent, mais le cheval qui va venir « faire tomber sa nuque dans la main du cavalier » par l’extension de sa ligne dorsale en gardant sa nuque comme point le plus haut et en remontant progressivement la base de son encolure, ce relèvement de la base de l’encolure étant en lien direct avec la poussée des postérieurs et l’abaissement des hanches.
Que faut-il travailler pour arriver à ce résultat ?


Il est acquis que le cavalier possède une position juste qui lui permet d’agir correctement. Un cavalier qui n’est pas lui-même en équilibre aura tendance à se raccrocher aux rênes.
Le cavalier aura acquis la maîtrise de ses aides : assiette, main, jambe.
« Comme les mains, les jambes doivent acquérir le tact qui leur permet d’agir au bon moment, dans la direction avec l’intensité voulue, par des actions mesurées, proportionnées à la sensibilité et aux résistances du cheval » Commandant Licart.
Le cheval doit avoir un équilibre de base correct, qui lui permet de maintenir un rythme régulier. Cela s’obtient par un travail sur les transitions en utilisant l’assiette et le dos au lieu des mains.
Le cavalier doit pouvoir contrôler à volonté ce rythme en variant la vitesse et la cadence des allures du cheval.
Il doit ensuite pouvoir demander à son cheval d’étirer son dos et son encolure. Cet étirement demande au cheval de la force dans le dos et l’arrière main, qu’il pourra acquérir par une gymnastique adaptée comprenant incurvations, travail de deux pistes, épaules en dedans, mobilisations des hanches et transitions avec report de poids sur l’arrière main sans se préoccuper de fermer le bout de devant.
Ces exercices, loin d’être une fin en soi, vont être les outils dont dispose le cavalier pour aider le cheval à se construire une musculature posturale solide, avec une bonne relation entre arrière main et avant main reliés par un dos souple et délié.
Comment procéder ?


J’aime bien la définition de Pierre Beaupère qui parle de la mise en main comme « une extension d’encolure dans laquelle on ne laisse pas le cheval descendre ».
Cette extension doit être comprise à partir de l’engagement des postérieurs sous la masse.
Le cheval est installé sur son cercle sans pli de l’encolure, les rênes sont ajustées.
Ajuster ses rênes ne signifie pas les raccourcir jusqu’à les tendre, mais leur donner la longueur qu’on souhaite obtenir de l’encolure. Cette longueur n’est pas figée et peut varier à tout moment selon les besoins.
Le cavalier va chercher sur ce cercle à le maintenir régulier, en agissant avec ses aides latérales. Lorsque le cheval aura tendance à tomber sur son épaule intérieure, il l’invitera à se redresser par une légère rêne d’ouverture intérieure, et la jambe intérieure à la sangle. Lorsqu’au contraire il mettra trop de poids sur son épaule extérieure, et voudra par celle-ci évaser le cercle, le cavalier fera barrière de ses aides extérieures : rêne extérieure, jambe extérieure. Le cheval va venir petit à petit s’équilibrer latéralement.
C’est sur une main fixe par rapport au cavalier, qui accompagnera l’allure par une assiette liante, dont les doigts peuvent venir mobiliser la mâchoire sur la rêne intérieure et céder lorsque le cheval s’arrondit et s’allège, que le cheval pourra venir franchir son mors, si mors il y a.
La mise en main appartient à la main, mais les jambes , l’assiette et le dos du cavalier veilleront à l’équilibre, à la rectitude du cheval et à l’activité des postérieurs, la mise en main dépendant entièrement de ces trois paramètres.
Le timing est primordial, le cavalier devant être capable de céder dans ses doigts sans mettre le cheval dans le vide pour lui rendre confortable l’attitude obtenue.
Il cherchera ensuite à laisser vivre le plus longtemps possible le cheval sur sa rondeur sur le cercle, pour réitérer sa demande lorsqu’il sent la situation se dégrader, après avoir éventuellement mobilisé les hanches pour inciter l’engagement du postérieur interne et l’étirement du dos.
Il devra ensuite chercher à conserver cette attitude lors de changement de direction sur des courbes larges, puis sur la ligne droite, en n’hésitant pas à repartir sur le cercle lorsqu’il sent le cheval se raidir.
L’étape suivante sera de chercher à conserver cette rondeur dans les transitions.
Conclusion
Cet article demeure théorique et comme chacun sait en théorie tout est facile. En réalité les cavaliers se retrouvent confrontés à de multiples difficultés inhérentes à des problèmes d’équitation, de conformation, compensations et de dressage du cheval.
C’est pourquoi l’équitation ne peut s’apprendre que sur internet ou dans les livres, mais par des heures de pratique sur différents chevaux, avec l’œil averti d’un enseignant pour tous ceux qui comme moi, n’ont pas la science équestre infuse…
Il ne constitue pas une méthode ou une recette, la plupart du temps lorsque la décontraction, l’équilibre et la rectitude commencent à se réunir, le cheval vient de lui-même adopter une attitude juste.
Commentaires
Permettez moi quelques remarques concernant “comment procéder”…
La main doit effectivement être fixé mais non par rapport au cavalier mais bel et bien par rapport à la bouche du cheval !! Sans quoi cette dernière subirait des à-coups contres indiqués à la stabilité du cheval sur le mors…
D’autre part, la décontraction de la mâchoire doit se faire sur la rêne extérieur et non intérieur, cette dernière ne se “contentant” q de réguler l’incurvation…
J.
Bonjour et merci pour votre commentaire. Concernant le premier point, si le cheval est correctement travaillé au préalable, en favorisant la mobilisation des postérieurs ainsi que l’équilibre, il ne rencontrera la main que si il vient en déséquilibre. Dés lors que le cheval s’emploie correctement, le mouvement de balancier est diminué et remplacé par la poussée verticale des postérieurs, la main fixe devient ainsi un repère fiable pour le cheval. La longueur et la hauteur donnée devant être adaptée aux besoins du cheval à un instant T.
Pour le deuxième point, je pense que cela va dépendre des résistances du cheval, directement liées avec sa dissymétrie naturelle. Par ailleurs dans mon exemple le cheval est droit sur son cercle, donc la rêne intérieure n’est pas en charge du pli. Mais je serais ravie d’entendre vos arguments.
Cordialement
Florie